Réforme constitutionnelle et loi Convention climat : fausses annonces et vraies lacunes

Réforme constitutionnelle et loi Convention climat : fausses annonces et vraies lacunes

France Nature Environnement propose depuis des mois des avancées concrètes pour que la justice ait les moyens et les outils de protéger davantage l’environnement au vu de l’urgence. Hélas, 2021 commence mal à ce sujet : on nous promet une réforme constitutionnelle aussi hypothétique qu’inutile ; et les quelques avancées promises par les ministères de la Justice et de la Transition écologique sont passées à la moulinette de Bercy… Explications.

Est-il possible et efficace de modifier la Constitution ?

Un projet de loi visant à modifier la Constitution (https://www.novethic.fr /actualite/environnement/climat/isr- rse/convention-climat-emmanuel-macron- degaine-la-carte-du-referendum-a-l-issue- tres-incertaine-149299.html) sera présenté en conseil des ministres le 20 janvier. Il doit inscrire dans l’article 1er de la Constitution que « l’État garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Est-ce une bonne idée alors que la Charte de l’environnement le prévoit déjà et a valeur constitutionnelle[1] ? Il s’agit plutôt pour le gouvernement de communiquer en grande pompe sur cette mesure à défaut d’avoir retenu les propositions les plus concrètes de la Convention citoyenne pour le climat…. Plus du greenwashing présidentiel donc qu’une révolution juridique.

Au fait, comment l’État peut-il réellement garantir la lutte contre le dérèglement climatique ? En demandant par exemple aux préfets de ne plus donner d’autorisations illégales à des projets destructeurs ou inutiles (routes, centres commerciaux…) : le développement économique ne peut plus être le seul critère et l’article 6 de la Charte de l’environnement l’exige déjà[2]. Par ailleurs, le gouvernement n’ayant pas la majorité au Sénat, ce dernier risque de ne pas adopter le projet de loi tel que rédigé. Et sans adoption du texte à l’identique par les deux chambres, le texte ne pourra pas être soumis à referendum. Son avenir est donc bien incertain.

Il était donc plus urgent de donner des moyens à la justice environnementale en France pour empêcher des atteintes à l’environnement. Hélas, sur ce sujet, beaucoup de promesses et peu d’actes…

Le délit de mise en danger de l’environnement est-il lui aussi enterré ?

C’était une des mesures phares annoncées en grande pompe fin 2020 par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, concernant la justice et l’environnement. France Nature Environnement se réjouissait que sa proposition faite dans le cadre d’une mission d’évaluation interministérielle des relations entre justice et environnement ait été retenue. Cette mesure allait permettre une règle de bon sens : ne pas attendre le dommage irrémédiable pour condamner ceux qui mettent délibérément l’environnement en danger.

Mais la création du délit de mise en danger de l’environnement vient d’être totalement rabotée à cause de divergences entre ministères et du lobbying du MEDEF. On crée des dispositions au champ restreint, exigeant des conditions si complexes que cela ne sera jamais appliqué par un juge : « un risque immédiat d’atteinte grave et durable », « des atteintes qui sont susceptibles de perdurer pendant une durée d’au moins dix ans ». Qui pourra évaluer un risque d’atteinte qui peut durer 10 ans ? Les juges ne s’y risqueront pas. Le gouvernement fait donc semblant d’agir avec des textes sans aucune portée opérationnelle.

Nous attendons donc beaucoup du débat parlementaire, non pas de celui sur le projet de loi constitutionnelle qui ne sera qu’un écran de fumée, mais de celui sur le projet de loi Convention citoyenne pour le climat, durant lequel les parlementaires auront fort à faire pour que la justice française soit peut-être enfin dotée de moyens raisonnables pour protéger notre patrimoine commun.

Pour aller plus loin :

Donnons à la justice les moyens de protéger l’environnement et la santé


[1] Intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité du droit français, la Charte de l’environnement reconnaît les droits et les devoirs fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement (principe de précaution, principe de participation du public…).
[2] Article 6 de la charte : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »
voir l’article sur le site FNE

A propos Katy

Représentant l'ADVMC à l'UASPS (Union des Associations de Sauvegarde du Plateau de Saclay et des vallées limitrophes)
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