REMARQUES SUR L’EXPERIMENTATION « CALIPSO » de TOUSSUS-LE-NOBLE ( du 1er avril 2019 au 30 septembre 2019)
1. Rappel méthodologique :
L’expérimentation est basée sur la classification des avions légers selon leur indice de performance sonore (CALIPSO).
L’indice de performance sonore (IP) est calculé suivant un procédé simple. ( fig. 1 et fig.2)
-selon le document de la DGAC il faut « confronter ce bruit à celui d’une conversation » .Oui mais laquelle ? ( fig.3 : celle d’une conversation normale à 65dB(A) ou celle d’un restaurant bruyant, équivalent en bruit à celui produit par un aspirateur à 70dB(A) )
-noter que le « niveau sonore de référence » retenu n’est pas 68dB(A) comme annoncé, mais serait, d’après les documents de la DGAC et de l’annexe de l’arrêté, de 70dB(A) fig.2 et fig.4)
-la fig.5 montre qu’avec un niveau sonore de référence d’une conversation normale (65dB(A)),
l’avion classé B dans l’exemple cité, se trouverait rétrogradé en classe D.
La transposition des IP en 4 classes (A/B/C/D) inégales pose question. En effet ce dispositif avec 2 classes médianes dimensionnées à 3dB(A) { B de 62-65 et C de 65-68 } et deux classes externes aux limites extérieures non fixées (forte dispersion), rend les comparaisons difficile. (fig.6)
A Toussus-le-Noble l’ IP des aéronefs classés et répertoriés sur le site du Ministère de la transition écologique et solidaire s’échelonne entre -69 (le plus mauvais des D) et + 128,7 (pour le meilleur A), ce qui correspond respectivement sur l’échelle des bruits à 75dB(A) et 55dB(A) .Cette différence de 20dB(A) signifie que l’avion le moins bien côté est 4 fois plus bruyant que l’avion le mieux côté.
Il y a aujourd’hui sur l’aérodrome de Toussus-le-Noble et d’après les indications figurant sur le site officiel du Ministère : 107 avions classés dont 29 A, 19 B, 44 C et 15 D
La médiane IP des avions classés à Toussus-le-Noble est de 26dB(A)
La perception et le ressenti du bruit sont certes variable d’une personne à l’autre. Toutefois, et toutes les études l’indiquent qu’une différence de 3dB(A) est à peine perceptible par l’oreille humaine et qu’il faut atteindre des différences de 5 à 6 dB(A) pour noter une amélioration / aggravation du volume sonore. (fig.7 et fig.8) .
Ce qui veut dire qu’un avion de 66dB(A) classé C est perçu à l’identique qu’un avion de 64dB(A) classé B.
L’indicateur synthétique (IS) a pour vocation, comme son nom l’indique, de fournir une appréciation globale sur le trafic et le bruit des aéronefs pendant une durée donnée. Il n’a donc pas d’unité propre et s’exprime par un nombre. Par construction ses limites varient entre 62 et 71. (fig.6 et fig.9)
Néanmoins, et dans la mesure où sa valeur est de 62 ou de 65 dans l’hypothèse où il n’y aurait respectivement que des avions classés A ou B, l’IS est représentatif du bruit.
2. Critique de l’analyse faite par l’UAT sur les résultats chiffrés des enregistrements des stations de mesures ADP entre le 1er avril 2019 et le 30 novembre 2019 :
Notre critique portera sur les conclusions formulées ci-dessous, que l’UAT pense pouvoir déduire de l’analyse des tableaux ci-joint. (fig.10)
En effet il y est dit , qu’à la « lecture de ces chiffres , il y a incontestablement une progression, encore plus nette les dimanches. Aucun mois sur lequel nous aurions perdu, tous les mois ont un gain positif ».
Les chiffres de l’indicateur synthétique figurant dans les tableaux sont fournis par ADP / DGAC alors que les pourcentages % , ainsi que la colonne « variations 2019 vs 2017 et 2018 » sont le fruit du travail de l’UAT.
Sans contester les chiffres ( IS d’ADP/DGAC, ni les calculs faits par l’UAT) il existe plusieurs biais méthodologiques.
– les moyennes annuelles de -5 % et -8 % (respectivement pour les samedis et les dimanches et JF) sont obtenues par soustraction d’une moyenne de 5 additions (les 5 mois d’avril à août 2019) à la moyenne de l’addition de 12 chiffres (les mois d’avril à septembre 2017et 2018). En effet le mois de septembre 2019 n’étant pas documenté, les résultats proposés ne sont pas valides.
–les différences mensuelles montrent pour chaque mois un pourcentage négatif. Conclure de ce constat à « un gain » positif est tendancieux. En effet, si au lieu de comparer la moyenne des pourcentages additionnés d’un mois donné sur 2 années (2017 + 2018) avec le seul pourcentage mensuel de 2019, on comparait les mois année par année, l’on verrait ( pour les samedis par ex.) qu’entre 2017 vs 2019 le mois d’avril est identique, de même entre 2018 vs 2019 pour les mois juillet et août. Et pour les Di/JF ,2017 vs 2019 le mois de mai est également identique.
–par ailleurs nous n’avons aucune confirmation que les mesures effectuées permettant le calcul des IS se sont déroulées durant ces 3 années dans de conditions comparables.
Mais surtout, quelle signification peuvent avoir ces pourcentages et quelle enseignement pouvons nous en tirer ?
–sur l’ensemble des deux tableaux (Samedi et Di/JF) la valeur maximale de l’IS relevée est de 66,4 (les Di/JF de mai 2018 et de juillet 2017) et la valeur IS minimale de 64,2 (les Samedis de mai 2019). La différence théorique maximale est donc de 2,2, c’est-à-dire inférieure au « pas » de l’IS (voir fig. 9), qui comme le pas des classes Calipso , varie de 3 en 3. Autrement dit, même avec une baisse maximale de l’IS (2,2) , à partir d’un IS de 65 par ex.où il n’y aurait que des aéronefs B , on atteindrait pas le niveau 62 où il n’y aurait que des aéronefs A.
–sur l’ensemble des 34 chiffres des 2 tableaux, la répartition se fait presque selon une courbe de Gauss avec 7 chiffres entre 64-65 // 21 chiffres entre 65-66 // 6 chiffres entre 66-67 avec une maxima autour de 65,5. Donc tout se passe comme s’il n’y avait que des B.
–du point de vue statistique les gains hypothétiques se situent dans la marge d’erreur de tout appareil de mesure et n’excède pas l’intervalle de confiance avec une probabilité de 95 %
–du point de vue de la physiologie auditive, même les « gains » de 16 % (IS -1,4) et de 13 % (IS -1,2) ne peuvent avoir un effet sur la perception sonore.
Conclusion : Une opposition « énergique » des chiffres aux perceptions ne suffit donc pas pour infirmer ces dernières.
Un protocole expérimental avec un niveau sonore de référence à 65dB(A) (celui d’une conversation normale) pour le calcul des IP et des espacements entre les classes de 5-6dB(A), ferait sans doute davantage sens.
3. Comparaison des données de Bruitparif et de la DGAC :
En comparant les histogrammes de la DGAC (fig.11 et fig.12) des Samedis et Di/JF aux histogrammes de Bruitparif (fig.13 et fig.14) pour les mêmes jours on ne manque pas d’être étonné par leurs absence de corrélation. En effet, même compte-tenu que les histogrammes « DGAC » sont exprimés en IS et ceux de Bruitparif en Laeq ils devraient présenter une « forme » similaire. Or en comparant les Samedis du mois d’août ou les Di/JF du mois de juillet par exemple on voit qu’il n’en est rien. Les histogrammes de Bruitparif par ailleurs n’indiquent aucun progrès 3 mois sur 6 si l’on compare 2018 à 2019. Les distributions en Lamax par moyenne quotidienne annuelle (fig.15) ou par créneaux horaires les W-E (fig.16 et fig.17) vont dans le même sens. Celle du dimanche, notamment dans le créneau horaire de 12h à 15h, illustre clairement l’origine du mécontentement. Sachant que les stations ADP et Bruitparif sont éloignées à vol « d’avion » d’une centaine de mètres on comprend mal cette absence de corrélation. A noter aussi, comme indiquée par la figure 18, l’essentiel des enregistrements de Bruitparif (81%) concerne l’aviation légère.
4. Conclusion :
Il ressort très clairement des données chiffrées fournies par la DGAC et Bruitparif que la non perception d’une amélioration (au mieux) ressentie par les riverains de leurs espace sonore durant les W-E du 1er avril au 30 septembre 2019 n’est pas une chimère.
Les mesures proposées par l’expérimentation montrent qu’elles sont largement en de-ça de ce qu’elles devraient être si l’objectif visé était une baisse significative des nuisances sonores pour les riverains.
Rappelons aux décideurs politiques les « nouvelles lignes directrices relatives au bruit » publiées par l’OMS le 10 octobre 2018 , suite à des études épidémiologiques larges et qui montrent :
– à partir de courbes « relations dose-réponse » (pour la gêne, les effets cardio-vasculaires, neuro-psychologiques,…) les effets pathogènes induits aux populations soumises à des valeurs de bruit aérien supérieurs à 45dB(A) Lden.
– une ré-évaluation en forte hausse quant à l’impact sur la santé des bruits à composante événementielle et répétitifs, comme ceux générés par les survols d’aéronefs.
La courbe fig.19 indique clairement que, selon les dernières études (2018), la gêne occasionnée par le trafic aérien, est passée pour un Lden à 45dB(A) (recommandation OMS) de 2 % (2009) à 10 % et pour un Lden à 55dB(A) (réglementation actuelle) de 10 % (2009) à près de 30 % de la population exposée.!
Nous sommes à des années lumières de l’objectif de l’OMS, d’autant que nos négociations ne portent à ce jour que sur les W-E et que sur 6 mois par an.